mercredi 22 septembre 2010

Pas de Bienfaisance 3.9 : Heuristique #1 à la Loge le 26/06/2010



La fête de la musique cinq jours auparavant, et le prometteur rendez-vous fixé avec Prince deux semaines plus tard au Square principal à Arras n'ont toutefois pas comblé l'immense vide causé par la non Bienfaisance du début du mois. Bien plus douloureux à encaisser que le flot médiatique lié aux méformances de l'équipe de France de football à Vuvuzelaland voire l'annonce de la prolongation de deux années supplémentaires de ma trépidante vie professionnelle, le fait de ne pas me retrouver à la Java en compagnie de mes potes et de quelques unes de mes idoles musicales est assurément LA mauvaise surprise du mois.

Nez en moins, et je devrais pourtant m'y attendre, avec les disques Bien, il faut toujours s'attendre à l'inattendu, voire à de l'inattendu dans l'inattendu : en ce sens Juin 2010 fut un grand cru.

En ce 26 Juin 2010, il fait doux beau et Bien et je me dirige, de mon plein gré, vers une mystérieuse « Loge » pour y expérimenter la première « Heuristique » organisée par le prestigieux label. La « Loge » se situe rue de Charonne dans le proche 11ème arrondissement, et je m'accorde la possibilité de débuter la soirée dans un troquet local pour suivre le début du match entre le Ghâna et Les Etats Unis dans le cadre de la Coupe du monde de la FIFA 2010 © . Asamoah Gyan marque le premier but et je quitte les lieux heureux, persuadé de la victoire des blackstars, je descends la rue à la recherche de l'Heuristique Ladyland. Pas d'enseigne visible dans la rue, je m'inquiète un peu puis avise une porte cochère avec une série de touches d'interphones. J'appuie sur celle correspondant à « La loge », un « clac » libère la porte pour me laisser pénétrer dans un endroit pour le moins surprenant : une petite cour pavée de trente mètre sur douze bordée sur trois étages par un petit immeuble en forme de « U ». Malgré quelques plantes empotées, cela ressemble fort une cour de prison mais ce sentiment angoissant s'envole vite au moment où mon regard avise la racaille qui y tient les murs et squattent les petits bancs : la Bien crew ! A peine le temps de fumer une clope tout en évoquant le concert de General Elektriks vu la veille au festival Solidays qu'il est déjà grand temps de rejoindre cette fameuse « Loge » située au rez-de-chaussée, sur le côté droit.

Un petit vestibule propose un mini bar-guichet et le maxi sourire de la jolie taulière. On me remet un dé à douze faces qu'il me faut lancer pour fixer, en euros, le prix de mon billet d'entrée. En cette période de crise économique mondiale, je m'en sors bien : 5. Je pénètre alors dans la salle qui me surprend agréablement par ses dimensions inespérées, celle du plateau et des gradins mis à disposition des spectateurs : il y a de l'espace et de la profondeur, on s'y sent Bien. Comme une groupie, que je suis parfois, je m'installe dans la première rangée de droite en très prestigieuse compagnie : le président des Disques Bien à ma gauche, le Duc Frédéric de la Good Orleans à ma droite. Dans l'attente du début de l'expérience, chacun est invité à compléter un questionnaire aussi complexe que précis destiné à mieux cerner le profil et les attentes du public Bien.
Mauvaise nouvelle : une grosse partie de la tribe made in Massilia des DB, initialement prévue, a du se désister au dernier moment. Pas de Christophe Rodomisto, ni de Tante Hortense, pas de fée Mjo... Mais, au vu des artistes présents dans la salle, une flopée au milieu de la quarantaine de mélomanes présents, j'ai toute confiance dans la qualité artistique de ce qui va suivre. J'ouvre donc largement mes oreilles, mon esprit et mon coeur. Au moment où débute la soirée qui est organisée ainsi : plusieurs sets de quelques chansons plus ou moins expérimentales des artistes Bien nous seront proposés , ce dans un ordre fixé de manière aléatoire lors d'un tirage au sort effectué par le public. Une casquette de base ball marine et blanche contenant des petits papiers portant les noms des artistes est ainsi présentée à une jeune femme du public. Cette dernière tire au sort un papier qu'elle déplie et lit à haute voix : « Emmanuelle Parrenin ».

Lumineuse dans sa robe rouge, la créatrice de la maison rose rejoint la scène noire escortée de ses pages musiciens du soir : le percussif Cristian Sotomayor, le va-nu-pied Flop et le fascinant Vincent Mougel. Trente secondes après le début du set, je me retourne vers Monseigneur le Duc Frédéric : il est, tout comme moi, en mode bouche bée, stupéfait ! Rayonnante, Emmanuelle Parrenin nous accompagne dans quelques pièces musicales de sa prochaine maison cube (le titre de son prochain album Bien), la visite musicale est pour le moins aussi fascinante que prometteuse. Sur un titre, l'artiste rejoint les rangs du public pour un titre en espagnol où le son de sa harpe finit de nous projeter loin, très loin, dans un « beau » aussi musical que visuel, nappé de poésie. Un moment que nous vivons de manière intense et que nous souhaitons qu'il dure plus de quatre ou cinq chansons. Hélas, ainsi va l'heuristique, il est temps de passer au set #2. Quel artiste va avoir le redoutable privilège de passer après cette stellaire prestation ?

Flop se saisit de la casquette de base ball à la recherche d'une main « innocente » et se dirige vers moi. Je rétorque que « je ne suis pas aussi innocent que ça », il me lance, un brin perfide, que je suis « plus innocent que je ne le pense » tout en figeant son regard dans le mien et en me tendant la casquette... Une furieuse me submerge alors : tirer le papier correspondant à son nom. C'est donc avec un certain plaisir illustré par un sourire satisfait que j'aperçois son nom d'artiste sur le papier que je viens de tirer au sort. Ni une ni deux, Flop de Picpus se saisit du bout de papier, ce bout de tissu qui est aussi le premier vers de la première chanson de son set. Il s'en suit une prestation aussi théâtrale que musicale, dans un « experience spirit », pour un set brillant dont le point d'orgue (en plus de l'excellent titre funk « Acharnement thérapeutique ») est un étonnant numéro prévu au préalable avec Tante Hortense. Ce numéro à haut risque, voulu en « totale stereo », consiste en un original duo-solo où Flop et Tante Hortense, côte à côte et s'accompagnant à la guitare, interprètent simultanément une chanson de leur répertoire respectif. Deux artistes, deux chansons, pour une ouvre unique, en choeur et en stéréo. Tante Hortense absent, il est remplacé, à la barbe près, par un Kid de Clouange qui a le bon goût de tenter d'imiter le timbre chaleureux du cuistre délicat de la Canebière. Le set fut expérimental, joyeux, extrêmement ludique, plaisant et donc, comme écrit plus haut, brillant.

Tiré au sort pour le troisième set, François Tarot propose une pause afin d'installer son imposant matériel. Nous sommes nombreux à nous ruer dans la cour afin d'échanger nos impressions autour d'une cigarette. Et là... nous sommes confrontés à un mur de silence imposé par le si proche voisinage : le chuchotement est toléré, à peine... Pour les prochaines soirées à la « Loge », il nous faudra donc nous initier au langage des signes pour communiquer à l' »extérieur ».
De retour dans la salle, François Tarot nous attend avec sa guitare électrique et son ordinater-sampler-beater-accompagnateur-playbacker. Force est de constater que l'artiste n'a pas encore totalement apprivoisé ce nouveau compagnon de jeu musical et qu'il est également perturbé par l'expérience qu'il s'impose : se produire seul pour la première fois. Cela se traduit par quelques problèmes de réglages de la « bête » informatique (réglés en direct non sans humour) et une certaine tendance à se tourner de côté pour ne pas avoir à croiser le regard du public et se maintenir dans sa « bulle de concentration ». J'aime beaucoup les textes de Monsieur Tarot mais mon impression est que ce set est d'un niveau moindre au regard de ce qui nous a déjà été présenté. Les risques de l'expérimental, c'est peut être aussi cela une Heuristique.

Il n'y a plus que deux petits papiers à tirer et le public se fige lorsque le nom tiré au sort est le sien : le public ! L'inattendu dans l'inattendu, nous y sommes donc en plein ! Tout le monde se regarde puis, « courageusement », nous sommes une bonne quinzaine à monter sur scène. La délicieuse Sabine T propose alors d'interpréter une comptine. Elles 'exécute et nous tentons de « suivre ». Je fais partie d'un trio de « battons les mains en cadence » tout en se hasardant à quelques choeurs, Nico de Ménilmuche s'installe derrière la batterie tandis qu'un souriant et talentueux guitariste apporte une légère touche funky à l'ensemble. Il s'appelle Prench ou Frince, je ne sais plus, mais il assure le bougre ! Face à nous, à « nos places », les artistes Bien se délectent, élégamment, sans se moquer ouvertement. Ils sont témoins de ma première apparition sur scène, la première de ma vie, un souvenir indélébile.

«Remués » et surtout soulagés, nous retournons dans les gradins pour assister à ce qui sera plus une conférence qu'un tour de chant et, mieux encore, le highlight de la soirée. Fleuron de la scène marseillaise, maître de la meuleuse musicale et du cavaco, Eddy Godeberge s'installe sur une chaise face au micro, un pupitre sur sa droite et un verre de vin posé à même la scène sur la gauche. L'esprit du CRNS (Centre de recherche non subventionné des disques Bien) s'installe instantanément. Le public est tout ouïe, les neurones aux aguets. Maître Godeberge ouvre son propos en répondant ENFIN à nos attentes : essayer de nous expliquer la signification du mot heuristique. Je vous laisse le loisir de plonger dans le dictionnaire et garde pour moi les propos déclamés par Eddy B, faussement maladroitement et véritablement avec humour. Avant que cela ne devienne légèrement abscons, l'artiste nous propose de nous évader avec une conférence, musicalement illustrée en direct par ses soins, sur l'art et l'oeuvre de Charles Trénet. Ce qui nous est offert est un petit bijou de sensibilité, d'érudition, de pédagogie, de plaisir ! Bluffant de perfection jusqu'au dernier mot, au dernier geste, le verre de vin renversé.... Merci Monsieur Eddy ! Last but not least dit-on parfois lorsque l'on veut « se la jouer » avec des expressions anglaises, ce fut le cas pour cette prestation qui a conclu en beauté cette première heuristique.
Certains, jamais rassasiés, diront plus tard que la soirée fut un peu courte, malgré l' »excuse » de l'absence de quelques ténors marseillais, où de regretter l'absence d'un set du génial Kidsaredead. Pourtant, ce dernier fut fascinant à suivre à set sur les deux premiers sets : jouant, à genoux, du maillet sur sa guitare électrique pour des effets surprenants over hendrixiens,





oeuvrant de gadgets en plastiques douteux qui ont miraculeusement sortis des sons mieux que des « pouëts » ,




en « étant » Tante Hortense sur le duo-solo, et en « étant » Booster pour booster au chant et à la guitare le très funky « Acharnement thérapeutique ». Enfin, c'est également lui qui a fourni la fameuse et déjà mythique casquette de base ball marine et blanche.

Fin de soirée heuristique, public et artistes prennent la sortie, traversent en silence la fameuse cour « The sound of silence » Art & Garfunkel, sortent rue de Charonne et s'installent à la terrasse du bar restaurant d'en face : « le petit Baiona ». La tablée est aussi longue que conviviale pour un debriefing dont je ne sais s'il mérite l'étiquette « heuristique » mais à laquelle j'ai pris beaucoup de plaisir. Merci à toutes et à tous pour ce moment de bonheur...

1 commentaire:

  1. Toutes ces jolies chroniques pourraient bénéficier d'une audience encore plus large sur Concertandco.com ! N'hésitez pas à les y publier - pirlouiiiit@ yahoo.fr

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